lundi 14 mars 2016

"C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme..." et le mal de mer aussi... Cadix - Rabat


Ça ne m'arrive pas souvent, heureusement. Mais lorsque ça me prends, ça devient terrible. Le mal de mer.

La sortie du port de Cadix. Jusque là, tout va bien.

En ce mercredi, la météo est bonne, le vent autour de 20 nœuds du Nord, deux mètres de houle annoncés. Je ne fais pas trop attention à la houle. J'ai déjà navigué dans des houles de deux mètres. Je ne m'enquière pas de la fréquence de ladite houle. Erreur majeure. Car elle est courte. Dès le contournement de la digue du port, ça secoue sérieusement. Mais on vient de partir et ça va. Pas loin devant, un ketch comme nous danse sur les flots. Puis fait demi-tour. Nous sommes presque sortis de la baie, alors on continue. J'ai espoir que ça ce calme au large. Mais il fait froid. Le vent fait son effet. Malgré mes sous vêtement thermique, mes deux polaires et ma veste de quart hauturière, j'ai froid et n'arrive pas à me réchauffer. J'envoie les voiles. L'exercice est un peu sportif par ces conditions. Et à la fin de la manœuvre, j'ai trop chaud. Je suis même en sueur. Mais on est près des côtes, il faut rester vigilant et je reste dehors. Sans me changer, car quoi mettre d'autre ? Et se serait long, trop long. Donc je m'abrite comme je peux contre la capote de descente. J'ai la grande satisfaction de voir la vitesse augmenter rapidement. 6,5 puis 7 nœuds. Record battu avec une pointe à 8 nœuds, sur un surf. Mais il fait froid, ça bouge moins mais ça bouge toujours, et plutôt en roulis, de travers. Grace est depuis longtemps allongée sur sa couchette, elle aussi terrassée. Nous avons préparé le sac de victuailles un peu rapidement. Il y manque la variété nécessaire pour faire face à toutes les conditions de mer. Donc rien à manger dans le cockpit. Je bois, c'est déjà ça. Puis le pilote automatique décroche. Il y a 25 nœuds de vent, et il y a trop de toile dehors. Il faut au moins prendre un ris. Et c'est parti pour une prise de ris de nuit. Mais ça marche, le bateau redevient stable, et donc gérable par le pilote automatique. Premier vomissements. Sans nausée préalable, une envie soudaine, impérieuse. Le cerveau est toujours réticent à vomir. Mais en fait ça soulage. Il est près de minuit, on est loin des côtes, il n'y a pas l'ombre d'un pécheur à l'horizon et la sortie du rail de Gibraltar est encore loin. On file à plus de 7 nœuds, et je décide de rentrer et de me coucher. Mais même avec une couverture, je n'arrive pas à me réchauffer. J'ai froid, je suis parcouru de frissons. Pas de nausée, mais une grande fatigue. Je remonte de temps en temps surveiller le passage du rail. Nous avons de la chance, les navires que j'avais aperçu au loin sont passés. Et il n'y a rien à l'horizon pour leur succéder. Ça passe tranquillement, pas de stressantes manœuvres d'évitement. Je retourne dormir. Vers 4h, le pilote automatique décroche. Au sud de Gibraltar, le vent à tourné. Toujours 20/22 nœuds , mais NE cette fois. Le pilote décroche et l'alarme sonne. C'est toujours aussi fatigué que je tente de régler les voiles. Mais rien n'y fait, le pilote ne tient pas le cap. Je décide donc d'envoyer la trinquette, une voile d'avant plus petite que le génois. Lequel génois doit d'abord être enroulé. Le mécanisme coince, je dois aller en tête pour y mettre de l'ordre. Puis retour au cockpit pour finir de l’enrouler. Puis retour devant pour envoyer la trinquette. En me baissant pour fixer l'étais largable, surpris par un creux, je chute sur le balcon. Bon coup à l'aisselle gauche, ça fait mal. Je réussi à le fixer. Deuxième vomissements. Il y en aura cinq en tout durant la traversée. Je suis obligé de barrer, et les efforts sont tels que je barre avec mon dos. Fatiguant pour une trajectoire en zigzag, chaque passage de vague changeant l'équilibre du navire. Vers 6h, un peu avant l'aube, je n'en peu plus. Je m'endors de plus en plus souvent et profondément. Je laisse aller le bateau pour voir comment et vers où il se stabilise. Il va vers le large et perds presque deux nœuds. Je décide donc de le laisser faire, et descends me coucher. Je dormirai presque deux heures, sans aucun souvenir d'un quelconque rêve. Il fait jour lorsque je remonte. Je me réveil aussi rapidement que je me suis endormis. Le vent s'est calmé, mais surtout la houle s'est calmée. Elle est quand même bien présente. Une belle houle atlantique. De belle montagne d'eau qui passe autour et sous Liane. Ça monte et ça descend, mais plus régulièrement et plus doucement que la veille. Il fait beau. Mais malgré ça, je passe le plus clair de la journée couché dans le carré. Je remonte de temps en temps pour voir si tout va bien. Ça va un peu mieux, mais juste un peu. Je serai incapable de tenir le livre de bord de toute la traversée. Aucune photo non plus. C'est avec grand soulagement que nous ferons notre entrée au port à Rabat à 2h30 vendredi matin.



L'entrée du Bouregreg. Ne pas essayer sans pilote, même de jour.

La morale de cette histoire ? Et bien le triptyque « faim, froid, fatigue » reste toujours d'actualité. Lorsque l'un des trois s'enclenche et n'est pas traité immédiatement, les deux autres ne tardent pas à suivre. Et le mal de mer s'installe. Enfin c'est bien l'état de la mer qui fait le « confort » d'une traversée. La longueur de la houle et la direction par laquelle elle frappe le bateau font toute la différence.

Cadix- Rabat, nous avons mis les curseurs côté « inconfort », et nous avons été servis.

Rabat


Merci pour votre intérêt et à bientôt

 

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