La côte atlantique du Maroc est réputée pour être difficile. Parce
qu'elle est longue, qu'il n'y a que très peu d'abris et qu'elle est
soumise à des vents et courants dominants plutôt favorables pour ceux se
rendant au sud. J'y ajouterai une nuée quasi permanente de pêcheurs
autour de Rabat et Kénitra. Et les cargos venant du sud-ouest se rendant
à Larache.
De notre côté, il fallait remonter vers l'Espagne. À
contre-courant donc. Mais en prenant plus au large, les courants sont
moins forts. Donc nous irons au large. Et l'on se prépare en
conséquence. La fenêtre météo est bonne. Mais pas assez longue pour
faire l'intégralité de la traversée dans des conditions calmes. Soit
l'on commence dans des conditions de mer assez fortes, soit l'on finit
dans des conditions fortes. Je choisis la deuxième option. Nous ne
serons pas déçus.
Après avoir fini notre avitaillement, en frais principalement
puisque nous avons toujours riz, polenta et pâtes à profusion. Nous
embarquons des fruits, du pain, de l'eau en bouteille, quelques sodas.
Rendez-vous est pris avec les pilotes pour 19h, et avec les autorités
une heure avant pour les formalités de départ. Une fois tout cela fait,
passage du chien anti-drogue compris, nous voici fin prêts pour le
départ.
l fait beau, le soleil déclinant et le pilote nous accompagnent
sur la rivière Bouregreg direction la mer. Les berges sont très animées.
Beaucoup de monde, il fait beau, c'est l'été et là-bas aussi ce sont
les vacances scolaires. Premier méandre pour contourner la célèbre
casbah des Oudayas, ville médiévale et forteresse qui commande l'entrée
de la rivière Bouregreg. Sur l'autre rive, des plages ont été aménagées.
Elles aussi noires de monde. Les femmes se baignent habillées. Mais
qu'à cela ne tienne, elles sont quand même à l'eau. Des hommes nagent au
milieu du chenal. Le pilote les aborde et leur fait dégager le passage.
Deuxième méandre et l'on aperçoit la mer. La casbah qui était
jusqu'alors dans l'ombre se pare des couleurs chaudes du soleil. De
l'autre côté, les murs de Salé surplombent les plages qui n'en finissent
pas. L'on passe les deux dernières jetées, le pilote fait demi-tour et
nous salue, sa mission se termine là.
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Il fait beau, le soleil déclinant et le pilote nous
accompagnent sur la rivière Bouregreg direction la mer. |
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Beaucoup de monde, il fait beau, c'est l'été
et là-bas aussi c'est les vacances scolaires. |
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La casbah des Ouyadas, ville médiévale et
forteresse qui commande l'entrée de la rivière Bouregreg. | | | |
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Rabat s'éloigne dans notre sillage. |
Nous voilà en mer. La mer est plutôt belle, mais il y a des
vagues. Curieusement, les vagues sont courtes. Pas très hautes, mais
elles se succèdent rapidement. Rien à voir avec la houle longue que j'ai
pu connaître autour de la Bretagne. Liane bouge pas mal. Nous nous
sentons rapidement pas très bien. Nausées pour Grace, mal de tête pour
moi. On fait tout ce qu'il y a à faire après un départ, en pensant que
cela va passer. En fait, non. Et de réaliser que cela fait cinq mois que
nous n'avons pas navigué. Nous ne devons plus être amarinés.
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Jusque là, tout va bien. |
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Premier coucher de soleil en mer. Il y en aura 11 autres en ce mois d'Août. |
Nous sommes au moteur, car le vent est faible et il y a des
pêcheurs partout. La nuit tombe et il y a toujours autant de pêcheurs.
La vigilance est permanente. Je dénombre jusqu'à quarante bateaux autour
de nous. Et ça durera la nuit entière, le temps pour nous de quitter la
région de Kénitra. Nous sommes toujours au moteur. Il y a du vent, mais
je ne me sens pas de louvoyer toute la nuit au milieu des bateaux de
pêche.
Au petit matin, plus de pêcheurs ni de vent. Nous croisons le rail
des cargos pour Larache en milieu de matinée. Il y a du trafic mais
nous passons au bon moment. Le mal de mer est toujours là, lancinant.
Début de soirée, le vent monte comme prévu. On songe à monter les
voiles. À ce moment précis, le moteur commence à perdre de la puissance.
Et puis s'étouffe. On envoie la toile. Le vent est Est, ce qui nous
permet de continuer à remonter vers le nord. La nuit tombe, le vent
monte encore, la mer devient mauvaise. Le ris de grand-voile a lâché
sous l'effet d'une rafale. Il avance vers la bôme, et la voile ressemble
plus à une boule de chiffon qu'à une grand-voile. Impossible avec ces
conditions de ramener le ris vers sa position normale. Je prends donc
deux ris pour limiter les battements de toile détendue. Je me fais
essorer au passage par un paquet de mer qui balaye le pont. Les ris sont
pris, de toute façon le vent seul aurait justifié une telle manœuvre.
Malgré cette situation un peu scabreuse, le voilier continue à monter
vers le nord.
Sans moteur, pas question d'essayer de rentrer dans le
détroit de Gibraltar, surtout dans ces conditions. Donc on continue vers
le nord. On s'arrêtera à Barbate si possible, voire à Cadix.
Le pilote automatique tient le choc et maintient le navire sur un
cap honnête. Il faut à présent être très vigilant, nous traversons le
rail des cargos entrant et sortant du détroit. Le détecteur de radar me
prévient rapidement. Il faut sortir et abattre pour éviter un cargo. Et
ça repart vers le nord. Avec 33 nœuds de vent. Heureusement le trafic
est modéré cette nuit. La plupart des cargos ne sont pas en course de
collision. Ça passe sans manœuvres particulières. Le reste de la nuit
nous voit monter vers le nord. Pas question d'aller vers Barbate, port
que nous connaissons et qui serait dangereux d'aborder avec un tel vent
d'Est.
Le jour naissant nous dévoile Cadix. Ville que nous connaissons
bien pour y avoir passé le mois de février. Et que nous allons admirer
pour le reste de la journée, notre grand-voile ne permettant pas de
remonter au près vers la baie. Il faut donc louvoyer, et nous y passons 6
heures. Le vent est maintenant raisonnable.
En fin d'après-midi, je décide d'aller à Rota, au nord de la baie,
qui doit être assez proche de notre position. Le port est en effet à
quelques minutes. On tente un démarrage moteur. Il démarre, perd de la
puissance et s'arrête. Deuxième tentative, il démarre et s'éteint
immédiatement. J'appelle le port et décris ma situation, mais ils n'ont
pas de secours. Il faut donc envoyer un de ces fameux messages « Pan-Pan
». Le contrôle de Cadix nous répond et nous envoie la vedette du
secours maritime. Pour éviter de finir dans les rochers, j'envoie le
génois. Et l'on attend que la vedette arrive. Au bout d'une demi-heure,
elle arrive. Il faut rentrer le génois. Qui se bloque. Murphy doit être
dans le coin. C'est avec un tournevis servant de barre de traction que
je rentrerai le génois. Une bonne demi-heure de perdue. Enfin on est
pris en remorque. Notre arrivée à Rota ne passe pas inaperçue. Il faut
faire la paperasse liée au sauvetage, et payer immédiatement. Il est
tard, on ne peut plus faire le plein. Nous passerons donc notre première
nuit au ponton d'attente. Avec tout de même une grande satisfaction
d'être de retour en Europe.
Merci de votre intérêt et à bientôt.
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