Ça y est, nous sommes de retour à bord. En France, au mois d'août,
tout est figé. Il ne faut pas espérer faire avancer substantiellement
quoi que ce soit. Donc autant être prêt pour la rentrée. Et ramener le
navire dans un port qui offrira plus de possibilités pour la suite.
Après plus de quatre mois passés en France pour tenter de régler des
histoires de famille, on est enfin de retour sur Liane en cette nuit du 4
août. Pour nous, c'est le retour à nos privilèges. Privilège de vivre
une vie simple mais libre. Privilège de voyager chez soi. Et ce soir,
bonheur d'être à nouveau chez soi. Retrouver la chaleur du carré.
Retrouver nos affaires, soigneusement triées. Car un bateau n'est pas
extensible. Alors tout ce que l'on a à bord est le résultat d'un choix
conscient. Ici pas d'achat compulsif. De consommation « par habitude ».
Après quatre mois de vie dans un appartement et une maison, les deux
raisonnablement grands, nous nous rendons compte à quel point la vie de
sédentaire est contraignante. Plus confortable que celle de marin, mais
sans réelle liberté de décision, d'action et de mouvement. La voiture
était impérative. Les courses quasi quotidiennes. Et évidemment avec une
tendance à accumuler le superflu. La plupart des Occidentaux exorcisent
leur angoisse face au grand mystère de la vie et de la mort en
s'entourant d'un maximum d'objets. Au cas où, parce que c'est trop chou,
parce que ça me plaisait. Et puis parce que jeter est difficile. C'est
l'aveu de notre coupable légèreté et/ou de notre totale soumission face à
la matière. Donner ? Pire encore. C'est reconnaître que l'autre non
seulement pourrait faire mieux que soi en utilisant réellement l'objet,
mais c'est surtout lui reconnaître une existence positive, à tous les
sens de cet adjectif. Or l'ennemi c'est l'autre. C'est par lui que cette
mort tant redoutée peut arriver. Alors que l'objet lui est rassurant.
Même s'il est mortifère par excès. Mais c'est une mort douce,
rassurante. Alors on accumule. Point de cela sur un bateau. Pas de
facilité. Tout y est choix. Et c'est ce qui nous plaît.
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Retour à bord |
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Vue du balcon. Elle a changée depuis. |
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La marina Bouregreg, un havre de paix. |
Évidemment, la matière et la vie se rappellent à nous dès le
lendemain matin. Après quatre mois, Liane est recouverte d'une bonne
couche de crasse, sable, guano au-dessus de la surface et d'algues et de
coquillages sous la ligne de flottaison. Il faudra deux bonnes journées
pour remettre de l'ordre dans tout cela. Et deux plongées pour
retrouver l'entrée de la prise d'eau des WC, bouchée par une pellicule
uniforme de sédiments sur la coque.
Il faut aussi refaire le point de ce que l'on a en nourriture, ce
qui doit être complété pour le départ. Reprendre la météo
quotidiennement. Et finir la réparation du moteur. Tout en profitant
quand même des siestes dans le cockpit et de visites de Rabat, Salé et
Casablanca. Bref, des journées bien remplies.
En quittant Liane fin mars, je ne savais pas combien de temps
durerait notre absence. En France, je comptais bien les mois qui
passaient. Mais ce n'est qu'à l'aéroport et plus encore à la marina que
j'ai réalisé ce qu'étaient quatre mois. Le tiers d'une année. Et c'est
long, le tiers d'une année.
Merci de votre intérêt et à bientôt.
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