lundi 21 décembre 2015

Un cigare à Ibiza


Vous ne le saviez probablement pas, mais je suis fumeur de cigare. Uniquement. Pas de cigarette. De cigare. Car fumer un cigare ne se fait pas à la va vite. C'est une invitation à la lenteur, et à la concentration. Je ne fume pas de jour non plus. Allez savoir pourquoi. Probablement parce que justement le jour distrait. Je jour demande d'agir. La lumière est là, il faut agir. Et de jour, il est plus difficile de contempler les volutes de fumée. Or, c'est pour moi un des plaisirs majeurs du cigare. Fumeur de cigare nocturne donc.
Allant de Majorque à Alicante, l'on passe forcement à proximité d'Ibiza. Et de cette ile, dont le nom est mondialement célèbre, je ne pouvait pas en faire l'impasse. Mais le temps étant compté, je dois aller faire du « chérie picking » à l'aéroport d'Alicante dans quelques jours, l'escale d'Ibiza sera donc courte. Une nuit seulement. J'y arrive un peu avant midi après une navigation sans histoires, belle nuit avec deux heures sous voile, blagues stupides des officiers de quart sur les cargos sur le canal 16 (« Happy halloween » avec des voix de films d'horreur, etc...). A l'heure ou je vous écrit, je navigue vers Alicante, et au moment ou j'écris ces lignes sur le canal 16, les mêmes facéties recommencent. Aujourd'hui c'est de la musique. Je ferai une compilation des blagues canal 16.
Et je repartirai le lendemain dans l'après midi. C'est l'hiver, il n'y a personne et les ports ne sont pas regardant sur les horaires. C'est donc une très courte escale. La nuit aussi à été courte, ayant bu un café tardivement à Palma, et décidant de profiter d'un peu de vent à une heure du matin, je ne suis pas d'une fraicheur optimale en ce jeudi après-midi. Après une bonne douche ; celle de Port d'Andratx était vraiment rustique ; j'enchaine par un bon plat du jour en terrasse, sur le quai même. En prenant le temps de le déguster, et de finir un livre captivant, « Mes voyages avec Hérodote » de Ryszard Kapuściński. Bref, lorsque je décolle pour un tour en ville, il est déjà tard. Et la marina à l'autre bout de la baie. Je suis tout de même sur les remparts au coucher du soleil, après avoir longé les quais et traversé la pointe orientale de la vieille ville. CE qui me vaut de traverser le quartier gitan, avec une fête improvisée sur le pas d'une porte. Comprenez une dizaine d'homme boivent en écoutant de la musique à tue tête. Les femmes elles, sont plus loin et semble plus occupées qu'en pleine fiesta.
Je redescend enfin dans la ville basse pour arriver sur une place animée. L'alignement des cafés commence par la terrasse d'un hôtel, et se termine à l’autre bout de la place. Sur le côté ensoleillé. De l'autre coté, seul un magasin rompt la monotonie des façades. Les terrasses sont bondées. En ce 17 décembre la nuit est douce. Touristes et iliens se mélangent allègrement. Toutes les langues sont parlées à ces tables. Catalan, allemand, anglais, espagnol, français. Mais tous ces gens ont un point commun. Pas de stress. Les « looks » parlent. Et racontent l'histoire d'une ile clémente. Clémente parce que tolérante, envers l'étranger comme l'original. Certains, et ils sont nombreux sur cette place, cumulant les deux qualificatifs. Clémente car ensoleillée, ce soleil dont manque tant les gens du nord, et qui permet à tous de vivre dans la joie. De fêtes point en cette saison.
Assis en terrasse, je sors le cigare acheté à Port d'Andratx, qui devait célébrer la fin du GR221. Faute de temps, il est encore là. Cigare nicaraguaien.
Et c'est accompagné d'une bière... Cà y est, il est allumé. Calme et volupté. Sur la place, des enfants jouent. J'assiste à un théâtre d'ombre, ne voyant que les silhouettes. Un bambin échappe à ses parents. Un grand classique à cet age là. La mère semble dire au père « à ton tour ». Le père, dont l'embonpoint contraste avec la célérité de l'évadé, se hâte lentement. L'enfant file. Le père disparaît., La scénette se termine par la manœuvre désespérée du fugitif qui pris en chasse par ses parents aux deux extrémités de la place entre dans le magasin. Immédiatement suivi de ces deux poursuivants.
Mes pensées vont et viennent au rythme des volutes. Je repense à Shoua, ma nounou éthiopienne qui s'occupait de moi lorsque nous habitions en Éthiopie. Je devais alors avoir l'age du fugueur. Qu'est elle devenue ? Est-elle encore en vie ? J'aimerai bien revoir cette femme. Quel impact à t-elle eu sur ma vie ?
Je pense à ceux que j'aime, à celle que j'aime. Elle est présente là, sur la chaise d'en face. Dans mon esprit, car en réalité elle ne me rejoins que dans 3 jours. Je prie pour eux. La vie est belle et je remercie Dieu de me donner le courage de voir et d'accepter cette beauté. Je repense au « voyage avec Hérodote » dans lequel Kapuściński, avec sa grande intelligence et sa sensibilité aiguë, nous montre à quel point nous sommes pétris, endoctrinés, intoxiqué de cette culture grecque. Culture liberté certes, mais pour les élus, les citoyens. Culture d'exclusion, de violence, de sauvagerie, mais absoute par le fait que les barbares, ce soit les autres. Histoire de rivalités politiques, d'appétit de pouvoir sans frein, de manipulations les plus sordides pour l'acquérir, le conserver, l'accroitre. Que ces réflexions sonnent tristement juste aujourd'hui.
Le cigare est de bonne qualité. Sa saveur est équilibrée, et sa cendre ne tombe pas. Il est pratiquement consumé lorsque la fraicheur tombe. Il est temps de rentrer au bateau. Mais avant, je tourne quelques images dans les rues d'Ibiza.
Ce fut une belle soirée.







Merci pour votre intérêt et à bientôt.

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