Vous ne le saviez probablement pas,
mais je suis fumeur de cigare. Uniquement. Pas de cigarette. De
cigare. Car fumer un cigare ne se fait pas à la va vite. C'est une
invitation à la lenteur, et à la concentration. Je ne fume pas de
jour non plus. Allez savoir pourquoi. Probablement parce que
justement le jour distrait. Je jour demande d'agir. La lumière est
là, il faut agir. Et de jour, il est plus difficile de contempler
les volutes de fumée. Or, c'est pour moi un des plaisirs majeurs du
cigare. Fumeur de cigare nocturne donc.
Allant de Majorque à Alicante, l'on
passe forcement à proximité d'Ibiza. Et de cette ile, dont le nom
est mondialement célèbre, je ne pouvait pas en faire l'impasse.
Mais le temps étant compté, je dois aller faire du « chérie
picking » à l'aéroport d'Alicante dans quelques jours,
l'escale d'Ibiza sera donc courte. Une nuit seulement. J'y arrive un
peu avant midi après une navigation sans histoires, belle nuit avec
deux heures sous voile, blagues stupides des officiers de quart sur
les cargos sur le canal 16 (« Happy halloween » avec des
voix de films d'horreur, etc...). A l'heure ou je vous écrit, je
navigue vers Alicante, et au moment ou j'écris ces lignes sur le
canal 16, les mêmes facéties recommencent. Aujourd'hui c'est de la
musique. Je ferai une compilation des blagues canal 16.
Et je repartirai le lendemain dans
l'après midi. C'est l'hiver, il n'y a personne et les ports ne sont
pas regardant sur les horaires. C'est donc une très courte escale.
La nuit aussi à été courte, ayant bu un café tardivement à
Palma, et décidant de profiter d'un peu de vent à une heure du
matin, je ne suis pas d'une fraicheur optimale en ce jeudi
après-midi. Après une bonne douche ; celle de Port d'Andratx
était vraiment rustique ; j'enchaine par un bon plat du jour en
terrasse, sur le quai même. En prenant le temps de le déguster, et
de finir un livre captivant, « Mes voyages avec Hérodote »
de Ryszard Kapuściński.
Bref, lorsque je décolle pour un tour en ville, il est déjà tard.
Et la marina à l'autre bout de la baie. Je suis tout de même sur
les remparts au coucher du soleil, après avoir longé les quais et
traversé la pointe orientale de la vieille ville. CE qui me vaut de
traverser le quartier gitan, avec une fête improvisée sur le pas
d'une porte. Comprenez une dizaine d'homme boivent en écoutant de la
musique à tue tête. Les femmes elles, sont plus loin et semble plus
occupées qu'en pleine fiesta.
Je
redescend enfin dans la ville basse pour arriver sur une place
animée. L'alignement des cafés commence par la terrasse d'un hôtel,
et se termine à l’autre bout de la place. Sur le côté
ensoleillé. De l'autre coté, seul un magasin rompt la monotonie des
façades. Les terrasses sont bondées. En ce 17 décembre la nuit est
douce. Touristes et iliens se mélangent allègrement. Toutes les
langues sont parlées à ces tables. Catalan, allemand, anglais,
espagnol, français. Mais tous ces gens ont un point commun. Pas de
stress. Les « looks » parlent. Et racontent l'histoire
d'une ile clémente. Clémente parce que tolérante, envers
l'étranger comme l'original. Certains, et ils sont nombreux sur
cette place, cumulant les deux qualificatifs. Clémente car
ensoleillée, ce soleil dont manque tant les gens du nord, et qui
permet à tous de vivre dans la joie. De fêtes point en cette
saison.
Assis
en terrasse, je sors le cigare acheté à Port d'Andratx, qui devait
célébrer la fin du GR221. Faute de temps, il est encore là. Cigare
nicaraguaien.
Et
c'est accompagné d'une bière... Cà y est, il est allumé. Calme et
volupté. Sur la place, des enfants jouent. J'assiste à un théâtre
d'ombre, ne voyant que les silhouettes. Un bambin échappe à ses
parents. Un grand classique à cet age là. La mère semble dire au
père « à ton tour ». Le père, dont l'embonpoint
contraste avec la célérité de l'évadé, se hâte lentement.
L'enfant file. Le père disparaît., La scénette se termine par la
manœuvre désespérée du fugitif qui pris en chasse par ses parents
aux deux extrémités de la place entre dans le magasin.
Immédiatement suivi de ces deux poursuivants.
Mes
pensées vont et viennent au rythme des volutes. Je repense à Shoua,
ma nounou éthiopienne qui s'occupait de moi lorsque nous habitions
en Éthiopie. Je devais alors avoir l'age du fugueur. Qu'est elle
devenue ? Est-elle encore en vie ? J'aimerai bien revoir
cette femme. Quel impact à t-elle eu sur ma vie ?
Je
pense à ceux que j'aime, à celle que j'aime. Elle est présente là,
sur la chaise d'en face. Dans mon esprit, car en réalité elle ne me
rejoins que dans 3 jours. Je prie pour eux. La vie est belle et je
remercie Dieu de me donner le courage de voir et d'accepter cette
beauté. Je repense au « voyage avec Hérodote » dans
lequel Kapuściński,
avec sa grande intelligence et sa sensibilité aiguë, nous montre à
quel point nous sommes pétris, endoctrinés, intoxiqué de cette
culture grecque. Culture liberté certes, mais pour les élus, les
citoyens. Culture d'exclusion, de violence, de sauvagerie, mais
absoute par le fait que les barbares, ce soit les autres. Histoire de
rivalités politiques, d'appétit de pouvoir sans frein, de
manipulations les plus sordides pour l'acquérir, le conserver,
l'accroitre. Que ces réflexions sonnent tristement juste
aujourd'hui.
Le
cigare est de bonne qualité. Sa saveur est équilibrée, et sa
cendre ne tombe pas. Il est pratiquement consumé lorsque la
fraicheur tombe. Il est temps de rentrer au bateau. Mais avant, je
tourne quelques images dans les rues d'Ibiza.
Ce
fut une belle soirée.
Merci
pour votre intérêt et à bientôt.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire